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Mickaël Elma à propos de sa résidence
Le lieu de résidence a été la source concrète de cette proposition d'étendards pour le Centre culturel de rencontre. En effet, dans la chambre où je fus logé dans l'Abbaye, une forme ornementale sur les portes de placards m'a amené à cette forme ancrée historiquement des étendards. Lorsque je renonçais au projet de micro architecture en tôle cintrée, ce qui avait alors été indiqué était l'idée de fluidité. De la forme souple pour abriter naissait celle de l'étendard flottant au vent pour annoncer. Historiquement, l'étendard se situe dans la perspective des armoiries. Mais la méconnaissance du droit qui régit ce domaine organise la distance du grand public envers cette forme d'expression identitaire. C'est une forme nouvelle qui est arrivée dans mon travail. Comme un vocabulaire nouveau pour élargir le langage, elle vise à étendre la palette qui exprime ma vision du monde : porter haut les couleurs de la créolité et de la créolisation.
Le Centre culturel de rencontre étant soucieux de marquer les résidences d'artistes par des manifestations conjointes avec les publics extérieurs, j'ai eu l'occasion d'intervenir auprès de collégien et de les initier à la gravure. Plus particulièrement la linogravure, plus adaptée au format du rythme scolaire. Une des possibilités souhaitées était de rendre hommage dans ma proposition au travail des élèves. Juxtaposée aux aplats de couleurs portant au centre la silhouette « Babel kréol », on reconnaît distinctement leur apport dans les étendards par la partie graphique en noir et blanc.
NAN
Mis à jour le 25 juin 2013
La composition 1 est faite de 2 clichés. Sans force, séparément, ils s’assemblent pour créer un espace superposant une réalité ambiguë avec une gure géométrique sous jacente. La question de l’altérité est mise en évidence par le différent du bloc architectural. Sous un ciel unié un volume architectural souligné par la ligne verticale est recomposé entre précision et ou. Structuré par la gure de l’hexagone qui apparaît par les jeux d’ombre et de lumière, ce volume prend l’allure d’un heaume portant ses couleurs latéralement.
Le CCR, inscrit en position élevée, favorise une projection de l’imaginaire de l’artiste sur le site plus large du village d’Ambronay. C’est une manière d’étendre la proposition hors les murs du centre. Au centre de l’image, ainsi que de la place, est installée sur le piédestal à la place de la croix, une «Babel Kréol». Cette sculpture n’est point un iconoclasme, mais l’axe de la sphère d’une pensée qui passe de l’univers au plurivers. Sans doute pourrait-on voir dans ces deux compositions, projetée l’imagination babélienne créole dans la dimension urbaine.
Sous la ligne bleu nuit des rêves par dessus les toits sous le ciel noir, pend au mur un étendard, éclairé, comme en attente. A côté, une forme en ogive découpe le mur. L’attention est autant attirée par cet aplat de noir que par les couleurs de l’étendard. Une relation oxymorique relie les deux. Cette béance semble être un capteur d’énergie, tel un «trou noir» où les couleurs voisines disparaissent pour déboucher à l’avers dessinant la clarté sombre qui découpe la ligne des arbres.
La composition 4 serait l’animation du calme onirique du tableau précédent. Une redistribution des énergies qui se concentrent dans le sommeil. Par dessus les couleurs, elles griffent la surface du tableau en un chaos de signes accompagnés d’un ash. Ce désordre graphique n’est rien d’autre que les inventions des compositeurs contemporains pour noter leur création musicale.En ayant à l’esprit les tableaux 3 et 4 on imagine un voyage qui nous amènerait à «quitter l’univers stable et rassurant qui nous est familier, pour nous plonger dans un plurivers dont les dynamiques ne manqueront pas de nous déstabiliser». Chritoph EBERHARD.
« Les analyses en termes de globalisation, quant à elles, tout en reconnaissant l’importance de ce qui nous lie, de ce «monde un», de ce «world one» sont plus ouvertes à la reconnaissance des altérités et à l’incertitude. En effet, si la mondialisation renvoie avant tout au processus d’expansion de ce que l’on connait déjà, de notre universalisme, les analyses en termes de globalisation cherchent plutôt à comprendre les changements et les bouleversements de nos modes de vies actuels par l’irruption du «global». Le mouvement de globalisation, tout en apparaissant dans une certaine mesure comme une fatalité, réinterroge nos conceptions classiques du vivre ensemble et nous oblige de nous projeter dans les futurs possibles qui semblent devoir articuler de manière novatrice les relations et tensions entre «global» et «local», entre «unité» et «diversité». Christophe Eberhard.
La composition n°6 est une proposition articulée sur une compréhension de l’humain éclairée par les possibilités de la science médicale. Un humain qui serait bien en mal aujourd’hui à se dénir en son unicité. La greffe d’organe ainsi que la transfusion évoquée ici par la silhouette humaine dessinée par le réseau sanguin, renouvellent l’identité particulière. Ces techniques médicales maîtrisées font potentiellement de chacun un être fait d’altérité.
Le tableau suivant évoque l’identité dans le champ plus vaste du socio-politique. Un tracé tricolore est barré par une tour. La tour est un élément de l’architecture du CCR, détachée du reste du bâtiment. Par ce geste c’est la verticalité qui est retenue. Une verticalité architecturale étirée par le graphisme puisé dans la production gravée des collégiens. La transcendance créatrice prolonge le geste défensif de l’architecture. Cette dimension ascensionnelle se superpose à l’écriture horizontale des couleurs identiées. Les étendards de «Babel Kréol» sont plantés dans la verticalité, expression de la quête individuelle, et de l’élévation de soi.
Le tableau 8 est une simple mise en situation de manière réaliste. L’étendard est accompagné d’un écu des armoiries d’Ambronay modié selon une forme déjà expérimentée par ailleurs. Mais on notera que l’étendard ne porte pas la silhouette de «Babel Kréol» mais une forme de porte, qui est en fait la forme de base de la tour. La porte est la gure symbolique de la transition, de ce changement civilisationnel à travers les mouvements migratoires, et de la rencontre.
Les deux suivants sont une mise en rapport à l’histoire de manière ctionnelle. D’une part en faisant apparaître un personnage en armure qui surgirait de l’époque de l’âge des étendards, de la chevalerie, des tournois. Mais aussi sur le plan militaire de ce temps où les mercenaires louant leurs services circulaient en Europe. Ces soldats facteurs d’altérité brassaient les peuples européens.
Les larges couloirs aux murs uniformément blanc en enduit piquetés de sable et leur pavement à l’ancienne à la planéité irrégulière, desservant les chambres des artistes résidents, sont des espaces propices à la rêverie historique. Une ction projette des traces de fresques entre les portes des chambres, témoignages d’un lieu religieusement dévolu. Aux murs en face, sont suspendus des étendards, créations présentes d’une vision contemporaine. Un rapport contrasté certes entre les deux murs, mais qui désigne plutôt qu’une distanciation une recherche de relation.